Comment le design crée-t-il de la valeur pour les entreprises ?

 


La présentation de Gérard Caron est organisée en sept parties.


1.     Point de départ

Gérard explique qu’il a été un des premiers en France à pratiquer le design tel qu’il existe aujourd’hui. Auparavant, il y avait bien des graphistes et des dessinateurs mais ce n’était pas une discipline formelle. La « création » faisait partie du Marketing.

En 1973, il fonde avec d’autres partenaires, Carré Noir. Tout est parti de là.

Lors de l’un de ses séjours professionnels à New York en 1987, Gérard a rencontré un participant à un cours d’anglais qui a parlé de l’homme et de son « double ». Par ce biais, il a pris conscience de l’existence des deux hémisphères du cerveau, le rationnel et l’émotionnel et du fait que les décisions prises par les êtres humains, le sont principalement par le cerveau émotionnel, ce qui a une énorme importance pour le design.

 

2.     Pourquoi le design

 

A partir de ce constat, on comprend mieux la raison d’être du design. Gérard donne et explique 5 raisons.

 

a.     Les choix s’effectuent dans la partie créative du cerveau, comme on vient de le voir.

 

b.    Au commencement il y avait la création.

L’entreprise doit être créatrice pour réussir. De nombreux exemples de marques connues sont donnés, ainsi que leurs dates d’apparition : Mercedes (1886), Apple (1976), Sony (1979), Swatch (1980) ; Nespresso (1987). Etre Créateur sous-entend d‘avoir une vision.

 

c.     Ce qui marque c’est avant tout L’IMAGE

On peut considérer que tout est « symbole ». Chaque entreprise est un symbole qui capitalise des milliers d’informations.

Un symbole fort (comme un drapeau) permet de « marquer » son territoire, comme l’illustre le drapeau américain planté sur le Lune.

 

 

 

d.    Pour avoir un impact, l’entreprise doit être REMARQUABLE

L’exemple de Lacoste, dont la marque est symbolisée par le crocodile bien connu, est longuement commenté. La marque existe depuis 1927 !

 

L’exemple de l’Occitane est aussi longuement commenté. Le cas de la cosmétique est particulièrement intéressant car les images ont pour la plupart un rayonnement international. Pour l’Occitane, le rôle du design est particulier. On raconte une histoire (« story telling »). A partir de 2014, les gens se ruent dans les boutiques. C’est l’ambiance des boutiques qui est une des sources du succès énorme de la marque.

 

e.     La Société bouge

Les entreprises sont focalisées chacune sur son domaine ; elles oublient souvent que le monde bouge.

La Société de conseil McKinsey publie régulièrement des études de tendances, dont les suivantes  au niveau du consommateur français :

 

-       Des foyers de plus en plus éclatés

-       Des consommateurs plus instruits

-       Moins de croissance

-       Plus de seniors

-       Croissance plus forte du nombre de femmes que d’hommes au travail.

La même étude indique aussi  les tendances pour les consommateurs    Européens.

-       Présence d’un climat anxiogène

-       La marque doit par conséquent rassurer

-       La marque doit aussi être perçue comme responsable

-       Elle doit faire gagner du temps (faciliter la vie)

-       Elle doit offrir le beau au quotidien

Enfin, une autre étude s’est intéressée aux facteurs qui   prédominent  dans le choix d’une marque par les hommes. Le facteur n° 1 qui ressort des dernières enquêtes : la dimension high-tech du produit.

 

 

f.     Les tendances

 

Gérard les illustre par plusieurs exemples :

 

-       The Body Shop, entreprise fondée en 1976 par Anita Rodick, précurseur dans son orientation écologique (produits naturels uniquement) et sociétale.

L’image est celle d’une ambiance à la fois festive et éthique.

L’entreprise a été rachetée par l’Oréal en 2006.

 

-       Harley Davidson. Cette entreprise bien connue a failli sombrer malgré sa notoriété. Un nouveau dirigeant en prend la tête en 1981 et redonne vie à cette marque mythique qui, plus qu’un produit, évoque un style de vie.

 

-       Entreprise Japonaise OK. C’est une sorte de contre-exemple. OK est située dans un quartier moche, installée dans un bâtiment moche ; son logo est quelconque et le look du patron laisse indifférent. Pourtant cette entreprise de la grande distribution est un formidable succès ! Raison : la philosophie du Président est de dire la vérité à ses clients. L’entreprise affiche de nombreux conseils tous les jours. Tel prix est bon aujourd’hui mais sera encore meilleur demain. Profitez de la qualité exceptionnelle en ce moment, elle ne durera pas !... Les clients sont en confiance.

 

-       Monoprix. Chacun aura remarqué le « relooking » majeur que Monoprix a réalisé sur lui-même. L’effet recherché est d’enchanter  le client. C’est un bel exemple de collaboration entre gens de la distribution et gens du design. L’ambiance est à la fois gaie, aérée, plaisante. Il y a du design jusque dans la communication. Depuis peu, on a introduit l’humourdans ce qui figure sur le packaging de certains aliments. Tous nos œufs de bonheur, on vous déroule le tapis rose (rouleaux d’essuie tout), flageolets – ça va péter… Tous en mayo…)

 

 

 

3.     Et le Luxe ?

Gérard a travaillé sur la définition de différents types de luxe. Il en distingue trois :

a.     Le luxe d’exception.  Les produits sont, comme on l’imagine, exceptionnels. Cela nécessite, de la part de l’entreprise, des compétences développées sur de longues périodes. Les montres artisanales sont un bon exemple. On achète un tel produit « pour soi ». Les amateurs de luxe d’exception se reconnaissent entre eux.

 

b.    Le luxe de prestige. A l’inverse du précédent, ce type de luxe est « pour les autres ». Les produits de ce type sont faits pour être montrés. La marque est ici primordiale.

 

c.     Le luxe premium.Correspond à ce que l’on appelle le « haut de gamme ». Un exemple : voitures de la marque Audi.

     Le design intervient principalement sur le luxe de type b et c.

4.     Comment on collabore (dans les coulisses).

Comment les agences de design travaillent-elles avec leurs clients ? Le donneur d’ordre, propriétaire de la marque établit ce que l’on appelle le brief, c'est-à-dire la description de la prestation attendue. Le donneur d’ordres transmet le brief aux agences de design avec lesquelles il a l’habitude de travailler.

L’agence reçoit un coup de téléphone pour l’informer qu’elle est « sur la liste ». Elle constitue une équipe réunissant les compétences appropriées. Et, à partir du brief, elle prépare une présentation pour le client (méthode de travail, premières idées, budget). Le but est de faire un véritable « show ». En général (et par principe) la première réaction du client est « c’est trop cher ».

Les choix doivent être faits par l’agence de ce que l’on présente et la manière de présenter : produit fini, esquisse, croquis, « mood boards ».

 

5.     Les Outils.

 

Dans le design, on dispose de plusieurs « outils » que l’on met en œuvre au service de ce que l’on a créé. Ces outils sont :

 

 

a.     Les couleurs

Souvent, on commence à aborder la solution par une approche « couleur ». Certaines marques en font l’élément dominant de leur image. Un exemple est la marque Milka pour laquelle la couleur mauve est dominante.

b.    Les formes

Il n’y a que trois ou quatre types de formes basiques. Le choix d’une forme inappropriée peut être fatal. Rochas a tenté de lancer un parfum homme avec, sur l’étui, une forme rectangulaire couchée. L’erreur a été de ne pas avoir compris que le  parfum d’homme était acheté par des femmes, peu attirées par la forme… passive !

c.     Les mots (et la manière de les « écrire »).

La façon d’écrire la marque dans son logo peut évoquer des images différentes de dynamisme, de tradition ou de modernité,…selon le caractère choisi.

d.    Le toucher/la matière

Gérard donne l’exemple d’une solution qu’il a proposée à une entreprise japonaise qui vend des boissons gazeuses en cannette. Le toucher était, avant intervention, « dur » et froid. La solution apportée a consisté à entourer les boîtes d’un « sleeve », (manchon) en matière plus agréable au toucher. Résultat : les ventes ont augmenté de 20 % !

6.     L’approche du design

Le professionnel du design aborde sa tâche, telle que spécifiée dans le « brief » en se posant trois questions. Pourquoi ? Quoi ? Comment ?

La bonne question à se poser dépend du positionnement de l’intervention sur la chaîne de valeur.

            Apple                                    Dell

        (concept)                                  (stratégie du business)            (Point de vente)

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            Pourquoi ?                           Quoi ?                                               Comment ?

 

 

a.     L’exemple d’Apple   (Think different)

 

C’est une approche « amont » qui répond à la question « pourquoi ? » Tous les aspects de cette entreprise « différente » ont été inspirés par les 10 commandements de Steve Jobs.

-       Pense différemment

-       Cultive ta spécificité

-       La religion du produit

-       Honore la beauté

-       Aime l’innovation

-        Creuse ton sillon

-       Magasins en propre

-       Sublime l’échec

-       Pas de compromis

-       Garde le secret

Il y a une grande force et une cohérence dans cet ensemble. Le design intervient dans un grand nombre d’aspects.

 

b.    L’exemple de Starbucks

C’est une approche amont également. Le design intervient très tôt. Starbucks est un concept. Il y a une forte cohérence entre les multiples aspects de l’approche.

c.     L’exemple d’ Ikea

Ikea vend u design. C’est un style. Il y a dans l’offre des objets extraordinaires dans leurs formes. Ikea en joue. Les détails, notamment de la typographie, sont très étudiés. Il y a, ici encore, une grande cohérence d’approche.

7.     Ce qui fait le succès des marques

 

Gérard conclut son exposé en présentant 8 éléments communs aux marques à succès et indique ceux dans lesquels le design intervient (*)

 

-       La fierté du code génétique (*)

-       Un savoir-faire attribué

-       Des signes distinctifs (*)

-       Un style de communication particulier

-       Présence dans un marché porteur (*)

-       Réseau en évolution (*) (exemple Yves Rocher)

-       Un esprit de conquête affirmé

-       Une diversion ……..

En conclusion, le design intervient sur la moitié des éléments.