Intervention d’Olivier Maurel

Community Management : Contexte et exemples pratiques

 

Au cours de cette réunion – et grâce à Olivier Tavignot - nous avons accueilli Olivier Maurel qui a exercé des fonctions  d’innovation sociale au sein de Danone (dont l’incubateur danone.communities et le programme Danone for Entrepreneurs).

Olivier Maurel est diplômé de gestion d’entreprise (ESCP – EAP), option finance. Il a débuté sa carrière comme consultant en stratégie, puis comme chargé du développement commercial d’une entreprise de logiciels de vidéo en ligne. En 2008, il rejoint danone.communities (incubateur de social business : projet d’entreprise à fort impact social), où il a exercé la fonction de Community Manager. Il était le premier à exercer ce métier dans le groupe. Aujourd’hui, il coordonne le programme d’essaimage « Danone for Entrepreneurs » (soutien à des salariés qui quittent Danone pour lancer leur propre entreprise).

Nous avons demandé à Olivier Maurel de nous parler du « métier » tout à fait nouveau de Community Management dont les principaux aspects sont : la mise en réseau, l’animation de communautés (pouvant atteindre plusieurs milliers de participants) et l’application d’approches collaboratives par le Web, ces pratiques ayant notamment pour but le partage d’expériences, la co-création de business nouveaux, le développement de « social business » (dans le cadre de la mission de danone.communities) et la levée de fonds.

Olivier Maurel nous expliquera quelle a été la genèse de cette approche et quels en sont les fondamentaux.

ENTREE EN MATIERE

Après un bref mot d’accueil par Olivier Tavignot, Olivier Maurel propose un tour de table qui consiste à répondre à deux questions :

·      Pourquoi avez-vous choisi de faire partie de ce groupe (E & A) ?

·      Quelles sont vos questions pour la réunion de ce matin ?

Réponses à la première question (mots clés) :

·      Partager, bol d’air, recul, co-création, amitié, comprendre, échanger, curiosité, innovation diffusion.

Réponses à la deuxième question :

·      Qu’est-ce qui vous fait bouger ?

·      Rôle du Community Manager ?

·      Qu’est-ce qui vous a fait accepter de venir ce matin ?

·      Est-ce que les Communautés existent (virtuelles ? réelles ?)

·      Quel est le sens des nouvelles communautés ?

·      Meilleure direction de la Création de Valeur ?

EXPOSE D’OLIVIER MAUREL

Le titre de l’exposé (et en même temps du Projet qu’il porte) est le suivant :

« CREER UN MONDE CONVIVIAL EN PARTAGEANT DANS LA JOIE »

On va s’intéresser à l’Echange et à la Relation. L’entreprise est à considérer comme une  aventure collective. La convivialité y facilite le « faire ensemble » et peut se définir comme tout ce qui n’est pas normatif.

Dans ce contexte, chacun de nous doit se poser la question : « à quoi je sers ? » Suis-je au service du Système ou est-ce que le Système est à notre service ?

Et, n’est-il pas préférable que tout ça contribue à rendre les êtres heureux (d’où le besoin d’indicateurs qui « mesurent » le bonheur). La joie est la dimension qualitative de la vie.

Origine du Community Management

Le Community Management est né dans l’environnement des Réseaux Sociaux et des jeux en ligne dans lesquels interviennent des modérateurs. Cette notion se développe avec le Web 2.0 (Web participatif).

Dans une sorte d’aller-retour entre Conscience et Technologie s’effectue la connexion humaine.

Aujourd’hui 3 milliards de personnes ont accès à l’Internet et 1.5 milliard sont sur des réseaux.

C’est en quelque sorte le Golden Rush actuel.

Pour mieux comprendre les enjeux, il faut revisiter certains éléments de notre fonctionnement humain actuel.

 

 

Notre « Enfant Intérieur »

Si l’on interroge l’Enfant qui est en nous, que nous révèle-t-il ?

Le souvenir de ce que nos parents (ou nos aînés) nous recommandaient :

·      Range ta chambre…

·      Attache tes lacets…

·      Etc.

Le message que nous entendons le plus souvent alors est « nous t’aimons si tu fais bien les choses ». La bonne intention se transforme en « amour sous condition ».

Nos schémas mentaux se sont ainsi formés avec l’idée centrale selon laquelle il faut faire les choses et les faire bien. Au cours des générations qui nous ont précédé et de celles d’aujourd’hui, les êtres humains ont fait énormément de choses : ils ont construit des habitations, construit des usines, fabriqué des voitures, installé l’électricité partout. On a tous des choses à faire.

Mais s’est-on arrêtés pour se poser la question : « c’est quoi ta fonction dans la vie ? »

Chaîne de Valeur (Version 1)

Notre économie actuelle repose sur une notion de base : la chaîne de valeurs.

L’ensemble de nos chaînes de valeurs se caractérisent notamment par 7 éléments (ou croyances), à savoir :

·      Croissance

·      Compétition

·      Carrière

·      Consommation

·      Consolation (de masse)

·      Conformisme

·      Concentration

Ces éléments réunis engendrent de la pression, un totalitarisme (toujours « avoir raison »), un emprisonnement (se conformer aux règles du Système).

Ce système a atteint ses limites. Il faut un autre chemin.

 

 

Une autre Chaîne de Valeurs

Elle s’inspire d’une idée formulée par Albert Jacquart : « je suis les liens que je tisse avec d’autres ».

Cela nous conduit à passer d’un fonctionnement centré sur la Finance (l’argent) à un fonctionnement qui s’appuie sur la Relation (le lien).

Les manières d’être de sociétés plus anciennes que les nôtres reflètent l’importance qu’elles accordent à la relation et aussi au temps.

·      « Je célèbre toutes nos relations (communauté d’Indiens).

·      « Je suis parce que nous sommes » (Ubuntus).

·      « Vous avez des montres ; nous on a le temps… » (Pensée africaine).

Une meilleure qualité de la relation nécessite de se réconcilier avec le temps.

Elle nécessite aussi d’être vrais (« cessez d’être gentils. Soyez vrais »).

Danone.communities

Le groupe Danone sert aujourd’hui 1 milliard de consommateurs. Lancé par Antoine Riboud en 1971, Danone affirme un double projet : conjuguer performances économiques et social.

Dans le prolongement de cette « philosophie », il y a eu en 2005 la rencontre entre Muhammad Yunus (fondateur de la Grameen Bank) et Franck Riboud. Le concept de Social Business a plu à ce dernier et un projet commun de lutte contre la carence alimentaire des enfants fut lancé sous la forme d’un produit à base de lait enrichi en éléments nutritionnels.

Conforme à la notion de Social Business, le projet ne vise pas de retour financier ; sa finalité est le « retour social ». Selon ce concept, tous les acteurs de la chaîne de valeur du Social Business sont bénéficiaires dans un système vertueux, où la tension économique est un courant à finalité sociale : le propriétaire d’une ou deux vaches trouve une occasion d’écouler son lait, les Grameen ladies embauchées assurent la distribution par une approche porte-à-porte. Dans un projet comme celui-ci, il y a un entrepreneur local et toutes sortes de gens autour qui y participent.

Aujourd’hui, les Social Business de danone.communities comptent 1 million de bénéficiaires !

 

Comment mettre en mouvement une Communauté

Il s’agit de mettre en réseau, pour mettre en action.

La démarche s’effectue en trois temps, chacun servant de tremplin au suivant :

1.     Sensibilisation

o   Objectif : susciter la curiosité

o   Nombre de participants : 200 000

o   Méthode ou exemples : media, site internet, livres

 

2.     Interagir

o   Objectif : développer l’intérêt et favoriser les interactions, la mise en lien

o   Nombre de participants : 50.000

o   Méthode ou exemples : conférences, ateliers, concours, jeux sur facebook

 

3.     Engager

o   Objectif : engager à l’action (financement, donner du temps à travers des actions de support technique en pro bono, étude et recherche pour les étudiants)

o   Nombre de participants : 5000

o   Méthode ou exemples : fonds d’investissement, organisation d’actions bénévoles

Parmi les pratiquants les plus intéressants de l’activation d’une Communauté, on peut donner l’exemple de Jean-François Noubel. A travers ces recherches en intelligence collective, on remarque les limites des organisations pyramidales des groupes, face à la richesse des échanges en petit groupe. Dans le monde physique, cette qualité d’échange « spontanée » arrive à s’exprimer dans des groupes de 8,  12 jusqu’à 25 personnes. Grâce aux réseaux sociaux (facebook, twitter), on remarque des qualités de relations d’un genre nouveau : qualitative avec un grand nombre de personnes (notamment dans des communautés affinitaires). Cela est rendu notamment possible par « signal social » sous forme de « pulsations » que les réseaux alimentent entre leurs membres via des messages quotidiens.. Ce sont des occasions de s’interroger sur la manière d’amplifier son intelligence et de faire grandir la conscience.

                                   

                                                                        ***

Tout cela concerne la vision que l’on a de la relation à l’autre. Adam Smith disait que c’est en poursuivant son intérêt personnel que l’on sert l’intérêt général. Mais on peut également se rallier à l’idée selon laquelle chacun de nous a, en lui, une partie non-égoïste. C’est la thèse que Yunus a beaucoup développée. On peut en faire l’expérience dans des situations où l’on rend service à quelqu’un. Cela rend heureux !

Les Créatifs Culturels

Une enquête menée par le sociologue américain Paul Ray et dont les résultats furent publiés en l’an 2000, révèle l’émergence d’un nouveau « groupe social » appelé les Créatifs culturels. (Livre : Cultural Creatives : How 50 million  people are changing the world).

L’enquête s’est intéressée aux valeurs portées par la société américaine de l’époque. Aux individus sondés, on pose la question : « qu’est-ce qui compte vraiment pour vous » ?

Le segment identifié des Créatifs Culturels se caractérisait par une convergence sur plusieurs valeurs communes, en particulier : la reliance, la coopération, le sens, le développement personnel, les enjeux environnementaux.

En 2000, au moment de la première enquête, ce segment représentait 24 % de la population américaine. Aujourd’hui, on estime qu’il atteint 37 %. (En France aussi, ce groupe sociologique grandit).

Cette évolution est un facteur de transformation de notre société au sens le plus large : à travers ces valeurs, des implications en termes d’éducation, de consommation, d’investissement, de travail, de culture… On notera que les Créatifs Culturels se répartissent de façon à peu près égale en termes d’appartenance politique entre démocrates et républicains, ce qui tend à confirmer la pertinence de plus en plus réduite de la distinction gauche – droite.

Danone for Entrepreneurs

Aujourd’hui Olivier Maurel coordonne le programme d’essaimage Danone for Entrepreneurs.

La situation du Groupe Danone l’a amené à décider récemment de la suppression de 900 postes en Europe. Sur cet ensemble, certains parmi les gens concernés se verront proposer des nouveaux jobs en interne, d’autres des jobs dans d’autres structures et d’autres encore seront encouragés à créer de nouveaux business.

Pour cela, Danone a créé une structure d’essaimage, dont l’une des caractéristiques est d’être conçue comme une Communauté, c'est-à-dire un réseau de partage. Cette Communauté bénéficiera d’une animation en ligne à laquelle s’ajoutent des événements physiques. A côté d’un accompagnement technique standard pour monter son projet business, le programme invite aussi à se poser la question de devenir « entrepreneur de sa vie ». Il y a plusieurs dispositifs de formation et d’apprentissage, par exemple des « Ateliers Philosophiques », des séances sur le thème de l’échec (l’échec vu comme enseignement). Plusieurs réunions sont ouvertes à des personnes extérieures.

 

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Olivier termine son exposé en résumant ce que son expérience récente lui a apporté, à savoir :

·      L’importance de l’authenticité.

·      Le potentiel des approches de co-création (notamment lorsqu’elles sont appliquées à quelque chose qui nous dépasse, en particulier changer le monde avec l’entreprise).

·      Comment le temps agit dans des processus de transmutation.

·      Les possibilités de libération de l’imaginaire.

De tout cela, un rêve a pris forme dans l’esprit d’Olivier : créer une « Villa Médicis pour Entrepreneurs « sociaux »… et favoriser ainsi une nouvelle forme de Renaissance.